Ex libraire, chroniqueur (Web, Radio, TV) reconnu en Belgique, dyslexique et même scénariste, Thomas Gunzig est avant tout écrivain. Paradoxalement, ce sont ses romans qui s'avèrent les moins connus alors qu'ils ont toujours constitué son activité originelle.
Jean, l'un des principaux et anti-héros de l'histoire et un de ses collègues sont chargés de piéger Martine Laverdure, une caissière de supermarché que la direction veut licencier car selon eux, trop lente. Pour cela, une seule solution : apporter la preuve qu'elle est amoureuse d'un autre employé, Jacques Chirac Oussoumo (le nom est-il fortuit ?) relation bien sûr interdite par le règlement. Ils obtiennent cette preuve. L'entretien préalable au licenciement se passe de manière catatstrophique : Martine Laverdure est tuée. Jacques va alors trouver les quatre fils de son amie, truands avérés mutants mi-humains, mi-loups. Ayant une notion de la justice quelque peu primaire, ils décident de venger sa mort et de dévorer son assassin en l'occurence Jean qui n'était là en définitive qu'en tant que simple témoin.
Ce roman/BD donne nettement dans la fable funeste voire l'allégorie, dénonçant les dérives de la société actuelle par le biais du fonctionnement d'une grande surface. Un énième opus sur l'hyper-consommation et la complexification des relations humaines qu'elle engendre, d'accord, rien de bien novateur. Mais là où cette adaptation devient intéressante, voire troublante c'est lorsque cette dénonciation prend le visage anthropomorphique liée à l'intégration des codes du roman noir (procédé déjà maintes fois utilisé en BD notamment avec la série Blacksad) et d'anticipation, ce qui n'est pas forcément une mince affaire. Le caractère monstrueux des 4 frères laissant néanmoins parfois la place à un existentialisme et une humanité surprenants mais parfaitement intégrés dans le récit. L'enchaînement des évènements parait logique car l'ambition du propos et l'épaisseur des personnages (sans mauvais jeu de mots) rendent fluide le découpage du scénario. Le mélange génétique, par exemple, entre les hommes et les animaux participent à l'anticipation légère voulue par l'auteur sans en altérer le carcatère authentique. Bref, on y croit.
Cette BD, vous l'aurez compris n'est pas d'un optimisme béat mais la distillation de touches d'humour et d'action évitent d'alourdir un propos déjà assez étouffant. C'est tout le mérite de Sébastien Goethals d'avoir su garder la quintessence du récit en l'adaptant au rythme de celui d'une BD.